Limbes

0 176 02.09.2025 Introduction

Quand le silence se met à rire, c’est que les ombres ont déjà pris place derrière toi.

Image du post Limbes
Photographie Yab

Je me réveillai en sursaut. Mon corps ruisselait de sueur, et mon cœur battait à une vitesse folle, cognant contre ma poitrine comme s’il voulait en sortir. Chaque pulsation résonnait dans ma tête. Ce cauchemar… il avait réussi à m’arracher ce que je croyais maîtriser : mon souffle.

Je fermai les yeux, cherchant à calmer la tempête qui grondait en moi. Mais rien n’y faisait. La peur s’était installée, ferme, comme un envahisseur décidé à ne jamais repartir. Les images tournaient encore dans mon esprit, claires, brûlantes.

Je courais. Derrière moi, des pas lourds se rapprochaient. Des voix. Des rires. Puis un bruit sec, métallique, suivi d’une douleur fulgurante. Une balle. Elle m’avait frappé à l’épaule, tout près du cœur. J’avais senti le sang se répandre, et mes jambes s’étaient dérobées. Juste avant de m’effondrer, mes yeux s’étaient ouverts sur… maintenant.

Par réflexe, je portai la main à mon épaule. Je palpai, fébrile, cherchant une plaie, une brûlure. Rien. Absolument rien. Mon souffle s’apaisa un instant. Ce n’était qu’un cauchemar, pensai-je. Mais une voix intérieure murmurait : Es-tu sûr ?

Je relevai la tête. Et compris que quelque chose n’allait pas.

Il faisait noir. Trop noir. Pas l’obscurité banale de ma chambre quand j’oubliais la lampe de chevet. Non. Celle-ci était compacte, épaisse, étrangère. Un voile de pétrole suspendu dans l’air, engloutissant toute lumière, effaçant tout repère. J’eus d’abord l’impression d’avoir encore les yeux fermés. Mais non : je clignai, ouvris, refermai. Rien ne changeait.

Alors je me pinçai, fort, au bras. Une douleur vive. J’étais éveillé. Et perdu.

Le silence était assourdissant. Pas un souffle, pas un grincement, pas même le battement d’une horloge. Seulement le vide. Je me levai, ou crus le faire. Mes pieds ne rencontrèrent rien. Pas de sol. Rien qu’un gouffre.

Je tendis la main : elle s’effaça aussitôt, avalée par l’ombre, comme si mon corps refusait d’exister. J’essayai de crier ; le son resta coincé dans ma gorge. Seul le fracas de mon cœur résonnait, brutal, obsédant.

Je fis un pas, ou peut-être plusieurs. Impossible de savoir si j’avançais ou si je restais immobile. Le noir donnait l’impression d’être prisonnier d’une pièce sans murs, sans plafond, sans sol. À chaque geste, je croyais sentir quelque chose frôler ma peau. Mais, quand je me retournais, il n’y avait rien.

Puis je perçus un souffle. Léger. Presque imperceptible. Pas le mien. Celui de quelqu’un d’autre. Il s’approchait. Lentement. Je voulus reculer, mais le vide m’avalait, me clouant sur place comme une toile invisible.

La panique monta comme une vague prête à tout emporter. Mon cœur, déjà fou, redoubla d’intensité. Où suis-je ? Pourquoi ici ? Comment en sortir ?

Aucune réponse. Seulement des questions qui s’écrasaient dans ma tête.

Et soudain, une lueur. Minuscule, timide, là-bas, dans ce noir infini. Elle grandit lentement, comme si elle m’attendait. Avec elle, une voix :

- Ce n’est pas encore ton heure.

Une voix calme. Douce. Trop douce.

Je voulus répondre, mais aucun son ne sortit. Déjà, je sentais mon corps aspiré vers la lumière. Mon estomac se retourna, mon cœur manqua un battement. Tout devint flou, violent, incontrôlable.

Et puis… un souffle. Un bip. Une lumière blanche, crue, insoutenable.

J’étais allongé. Un tube dans la gorge. Des câbles sur la poitrine. Des machines autour de moi, qui sifflaient, cliquetaient, pulsaient. L’air avait l’odeur âcre de l’hôpital.

Une silhouette se pencha vers moi. Une blouse bleue, un masque. Des yeux fatigués mais bienveillants.

- Vous avez beaucoup de chance, dit-elle d’une voix basse.

Je voulus sourire, soulagé. Mes lèvres restèrent immobiles. Je voulus lever la main. Rien. J’étais prisonnier de mon propre corps.

Le médecin s’éloigna. Et dans le silence, j’entendis un son que personne d’autre ne sembla percevoir : un rire étouffé, derrière moi.

Je tournai les yeux vers le moniteur. Sur l’écran, au lieu des courbes habituelles, s’affichait un message, écrit en lettres rouges :

TU N’ES PAS ENCORE RÉVEILLÉ.

Mon souffle se bloqua. Je voulus crier. Mais déjà, la lumière de l’hôpital s’effaçait, avalée par le noir.

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Image de profile de Georges Kalassa, rédacteur(trice) sur le site de Kiosque Littéraire.

Georges Kalassa

Georges Kalassa est écrivain et auteur des polars en plus d'être SG de Kiosque Littéraire.

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