Homélie : Père, sauve-moi de cette heure
Messe de funérailles de Simplice Kongol Ngoy, assassiné le 17/05/2025 (Première lecture 1 Co5,1.6-10 et Évangile Jn 12, 23-28)
“Père, sauve-moi de cette heure”! Frères et sœurs, ainsi s’écria Jésus prêt de son agonie. Ainsi, ce fut le cas pour Lenfant noir avec la dernièe force qui lui restait. Ce passage de l’évangiliste Jean, en ce moment de douleur, nous invite à entrer en intimité avec notre Lenfant noir. C’est le moment et le lieu de pleurer avec lui la fragilité de la vie et la méchanceté de l’homme.
Dans son discours, Jésus mettait au centre de sa vie son heure. Une heure de choix. Une heure décisive. Mais beaucoup plus encore une heure de douleur. Une heure où il devait tomber en terre comme un grain de blé pour donner beaucoup de fruits. Nous communions à cette heure de gouffre de notre Lenfant noir lorsqu’il tomba entre les mains des prédateurs et les maitres avides de gain, les hommes en tenue militaire. C'était le samedi 17/05/2025, c’était la fin de la journée. C'était la fin de Lenfant noir. Oui, ce jour-là, ce soir-là, il partit loin de nous notre frère que nous appelons affectueusement Lenfant Noir, de son vrai nom : Simplice Kongol Ngoy.
Son propre corps se noyait et gisait dans un océan de son propre sang, aussi dans une fosse pleine d'eau sale et de bouteilles en plastique. Abandonné tel un chien qui venait d'être abattu, il demandait toujours secours. Le vent a soufflé et a emporté avec lui les derniers cris d'une âme courageuse. Il se battait pourvu qu'il s'en sorte.
Ces hommes ont ôté la vie et sa mort a ouvert une fenêtre dans l'au-delà. Avec l’assassinat de notre Lenfant noir, personne ne joue sa partition. Une justice qui manque de force, et qui est au service de ceux qui sont aux affaires de leurs intérêts particuliers et égoïstes; alors que la justice est censée être le pilier fondamental pour le développement et le progrès dans notre Pays, car la vraie justice élève une nation (Cf. Pv 13,34) alors que la nôtre est malade. Une armée qui manque de contrôle. Un gouvernement sourd et complice, incapable de protéger la vie de paisible citoyen.
Devant ce désastre, Dieu ne laissera jamais ce silence coupable, car il ne veut
jamais voir le sang couler (Cf. l'histoire de Caïn et Abel Gn 4). C’est ici et maintenant que chacun pouvait donner le meilleur de lui-même dans la société, dans son domaine sans pour autant perdre le temps dans les bruits de notre époque.
Oui Lenfant noir, notre Lenfant noir n'était pas fautif. il n'était pas coupable. Il n'était pas membre d’une rébellion. il n’était pas traitre. Il n’était pas un criminel. Lenfant noir défendait juste ses propres droits. Il était contre les bêtises du monde.
Comme jeune, il avait des rêves, des ambitions, des objectifs grandioses. C'était un esprit audacieux, un cœur courageux, un vaillant homme déterminé à bâtir un avenir meilleur. Un homme conscient de sa place devant une société dure et sans âme. A ses côtés, on voyait un jeune qui essayait de prendre des initiatives afin d'apporter sa contribution des valeurs à notre société.
Cet acte d’assassinat, prouve à suffisance que ces hommes en tenue baffouent et pietinent sans reserve, notre confiance et notre solidarité à leur égard pendant ce moment où le pays est en guerre. Nous sommes déçus de leur méchanceté. Des êtres sans humanité. Des êtres, rien de bon sens en eux. Ils dégoûtent. Ils sont à vomir. Mes frères et sœurs, soyez rassurés que Dieu ne laissera pas impuni cet acte ignoble.
Ces hommes nous interdisent de penser et de rêver. Ils nous arrachent la pensée et le rêve dans la mort de Lenfant noir. Lenfant noir aurait été celui, par son génie créateur, qui pouvait raminer l'espérance dans les cœurs de plus d'un. Lenfant noir était celui qu'on pouvait nommer selon les circonstances. Son art participait à la construction et à la consolidation de la mémoire collective d'une nation. Nooonnnn, ces hommes en uniforme qui tuent les rêves, les espoirs, les projets de beaucoup d'entre nous doivent se convertir et savoir que le sang sait se venger tôt ou tard.
Dans la blessure de sa mort, nous portons cette blessure qui vole et arrache nos vies dans la vie de Lenfant noir.
Homme, mon semblable, pourquoi acceptes-tu d'être moins qu’animal ? Sans affection ? Sans odeur d'homme ? Quand je pense et me rappelle de cette mort, en homme de cœur et avec une âme, la nausée envahit mon goût jusqu'à te vomir. Des inconscients de leur mission et de leur tâche. De véritables traitres et prédateurs endurcis. Comment face à la police, à l’armée congolaise, devons-nous nous sentir en insécurité ? Quel paradoxe !
Pourquoi lui ôter la vie? Pourquoi éteindre une voix si jeune, si vraie ? Artiste engagé, il slamait la vie, la vraie pute. Il déchirait le silence. Après l’avoir tué, ils ont pris son téléphone. Ils croient que le sang versé n’a pas d’écho. Que nos larmes se tairont comme leurs crimes ? Lenfant noir est celui qui a allumé l'espoir dans les rues sombres de nos villes. Il n'est pas mort. Non, il dort dans nos fois. il vit dans nos luttes et tant que nous respirons.
Aujourd’hui, la vie doit savoir ce qu'elle rate en perdant Lenfant noir. Cette vie, une éternelle pute, qui n’a jamais su se faire fidèle à un seul homme. La vie, toujours prête à aller voir ailleurs en laissant un vide chez les uns comme chez les autres.
Oui, la vie, une pute comme le disait Lenfant Noir.
Acceptes-tu une vie qui manque de souffle ? Pourquoi nous faire autant mal au point que tes prestations résonnent désormais comme des échos ?
Chers frères et sœurs nous trouvons la consolation dans les saintes écritures que nous venons d’écouter. La première lecture nous invite à l’espérance et à la responsabilité. Saint Paul apôtre aborde la question de la tension contre la vie terrestre et l'espérance céleste. Il utilise des métaphores architecturales pour illustrer la fragilité de notre existence actuelle et la solidité de la vie éternelle promise. Pour Paul, notre corps actuel à une tente symbolisant la nature temporaire et fragile de la vie humaine. Dieu nous assure une demeure éternelle dans le ciel, construite par lui-même. Cette demeure représente la vie éternelle et incorruptible qui attend les
croyants. Oui, par sa foi courageuse, notre frère fera l’expérience de cette demeure.
Une demeure qui comble nos inquiétudes, nos vides, nos peurs. Oui, notre frère était dans l'attente de revêtir l'immortalité. Ses œuvres expriment en lui les désirs ardents de croyants de revêtir leur habitation céleste. L'apôtre Paul souligne la plénitude de la vie en Dieu. Bien que nous allons comparaître devant le tribunal du
Christ pour rendre compte de nos actions, ces dernières nous justifieront. C’est donc la responsabilité morale du croyant et l'importance de vivre en accord avec la volonté de Dieu.
Dans l’Evangile, Jésus est proche de sa passion. Il répond à la demande de certains Grecs qui souhaitaient le voir marquer une ouverture universelle de sa mission.
Jésus en profite pour enseigner le sens profond de sa mort imminente. Jésus sera élevé sur la croix manifestant ainsi la gloire de Dieu en utilisant l'image du grain de blé qui doit mourir pour porter du fruit, symbolisant sa propre mort nécessaire pour apporter la vie éternelle à l'humanité, pour apporter la vie dans les cœurs des personnes humbles. Jésus renonce à sa vie pour la conserver. Oui notre frère a suivi ce chemin. Il n’a pas cédé aux médiocres. Ce geste de lutte et de bravoure jusqu’à son dernier soupir est un grain de blé semé dans nos cœurs.
Avec Lenfant noir, nous avons l'habitude de partager le silence, même le mot fou.
Mon cher, j’attends trois affiches. Trois modèles. Samedi prochain, on doit lancer le club de lecture Mudimbi. On ira au Musée. J’attends l’affiche. On était avec lui à Picha. Je tremble. Il a slamé. On a parlé toute la matinée de nos projets (avec les larmes aux yeux). Ce soir-là, Il nous a confirmé que la vie est une pute. Il a slamé sa mort ! Nous savons qu’il avait un projet de roman qui sera publié en Août. Il devait défendre cette année. Il désirait beaucoup écrire un texte dans sa langue kanioka.
Mais noooooonnnnn, c’est ainsi qu’on se saluait. Témoignent de tous les côtés
Daniel Kalombo, jenny Manyongamayi, Akang disons tout simplement, le Kiosque
Littéraire te pleure. Oui, la douleur déchire nos coeurs mais seule l’espérance nous rassure que nous trouverons consolation dans Celui qui donne la vie.
Adieu, un mot qui nous déchire en ce moment. Adieu, le mauvais mot qui se dit qu’avec larmes aux yeux et cœur déchiré. Que ton souvenir soit le parfum et la semence d'un avenir d'une richesse pour ceux qui t’ont connu.
Très cher estimé Lenfant noir, quel trouble-t-il arriver à celui qui sait que la vie n’appartient ni à ces prédateurs, ni à ces hommes sans coeur ? Dieu fait tout et il est le Maître de tout ! Nous nous rencontrerons un jour dans la joie du ciel. Seigneur, prends avec toi celui que nous aimons. Amen.
Abbé Simplice Mulaj
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